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35 ans de BTP, ententes, corruption et vol qualifié
5 février 2010

partie 2

_ Le Cameroun-1970-1971

J'ai commencé ma carrière en passant deux ans au Cameroun, en tant que coopérant technique pour le compte du secrétariat d'état aux affaires étrangères.J'étais ingénieur à la direction des routes sous les ordres d'un directeur français. Ce directeur était le dernier directeur français dans toute l'administration camerounaise de l'époque. Je travaillais en prise directe avec lui. Un jour, alors que j'entrais dans son bureau, je l'ai vu à la fois bouleversé et très énervé. Il m'a donc raconté sur un ton très scandalisé que M. X, directeur de l'entreprise de travaux publics Y. du pays, venait de sortir de son bureau. Il avait mis sur sa table un chèque signé avec le montant laissé en blanc. Il lui avait dit : mettez le chiffre que vous voudrez ; je vous le donne et faites ce qu'il faut pour que j'aie le marché de ce chantier qui est en appel d'offres. Mon directeur, se drapant alors dans sa dignité, m'a dit qu'il avait mis à la porte ce chef d'entreprise. Sur-le-champ, je n'ai rien dit. Après plusieurs années de réflexion sur le sujet, je me rends compte maintenant que cette réaction scandalisée et cette manière de mettre à la porte ce chef d'entreprise, était en fait un acte de complicité avec cette tentative de corruption. En effet cet entrepreneur savait très bien qu’il ne risquait rien dans sa tentative car personne à l'époque ni maintenant d'ailleurs ne fait rien contre ces tentatives de corruption. De ce fait, avec une impunité quasi garantie, tout bon entrepreneur de travaux publics peut renouveler ses tentatives sans risque. Avec un taux de réussite d'environ 1/10, la vie est belle et promet de le demeurer pour ces acteurs indélicats.

Ma deuxième expérience sur le sujet s'est passée en commission d'appel d'offres. Nous ouvrions en séance solennelle un appel d'offres pour environ 100 km de routes, et donc d'un montant important. Un représentant de la direction du budget ainsi qu'un certain nombre d'autres hauts fonctionnaires étaient membres de cette commission. Mon directeur était présent et j'assistais en me faisant tout petit dans le coin de la pièce. Cinq entreprises avaient répondu. Comme il est d'usage on note dans un procès-verbal le montant de chacune des offres après ouverture des plis des entreprises. L'habitude dans cette commission, était de noter deux chiffres, celui hors taxes et celui toutes taxes comprises. À l'ouverture d'une des enveloppes, il est apparu qu'il n'était pas précisé si le montant de l'offre était hors taxes ou toutes taxes comprises. La valeur à prendre en compte pour la taxe était de l'ordre de 15 %. De ce fait, si l'on considérait que l'offre était hors taxes (HT) ou toutes taxes comprises (TTC), le montant pouvait varier de 15 %, selon qu'au chiffre avancé on ajoutait ou pas ces 15 %. Pour cette entreprise si l'on considérait que le chiffre annoncé était toutes taxes comprises il était le moins-disant et donc gagnant de l'appel d'offres et titulaire d'un marché très important. Si par contre, on considérait que son offre était hors taxes, il convenait de rajouter ces 15 % pour le comparer aux autres offres. De ce fait, il n'était plus moins-disant et ne devait pas être adjudicataire du marché. Un tour de table a donc été organisé pour décider de la conduite à tenir en face de cette question imprévue. Mon directeur s'est exprimé en disant de la manière la plus ferme possible que l'offre était non conforme au règlement de consultation. En effet ce règlement précisait que l'entreprise devait mettre les deux chiffres hors taxes d'une part et toutes taxes comprises d'autre part. Cette offre non conforme devait donc être éliminée. Le représentant de la direction du budget a eu une autre approche. Il a calculé qu'en retenant l'offre la plus basse et en la considérant toutes taxes comprises, l'entreprise en question était 10 % moins chère que la deuxième entreprise la moins chère. Il a donc émis l'avis qu'il convenait de favoriser cette économie de dix pourcent sur le montant des travaux, et de demander à l'entreprise confirmation que son prix était bien TTC. Compte tenu du rapport des forces, et de l'importance des personnages exprimant leurs avis, c'est celui de la direction du budget qui a été retenu. De la sorte, on a favorisé l'entreprise qui en remettant une offre non conforme, s'était mise volontairement hors réglementation des marchés. En effet si cette entreprise, en ajoutant les taxes, était restée moins-disant, elle aurait prétendu que son offre était hors taxes et que donc il fallait rajouter les 15 % de taxes avant de lui attribuer le marché. Comme elle savait que si elle prétendait avoir oublié les taxes elle ne serait plus adjudicataire, elle a donc accepté que son chiffre soit toutes taxes comprises. Ce tour de passe-passe a manifestement été favorisé par la non application stricte de la réglementation des marchés. Cette décision favorisait le court terme au détriment du long terme. Pour gagner quelques milliers de francs CFA on jetait le doute dans la profession sur l'honnêteté des procédures d'attribution des marchés.

 

 

Madagascar-1972-1973

A Madagascar, j’étais chef du service infrastructure, dans une société dont le siège était basé à Dakar et dont la mission était d'unifier l'espace aérien des anciennes colonies françaises. Le service était très calme et la seule opération d'importance dont j'ai eu à m'occuper était le renforcement d'une piste d'aviation à Diego Suarez. En effet la compagnie Air Madagascar venait d'acquérir des Boeing 737 dont l'impact sur les pistes d'aviation était nettement supérieur à celui des Fokker 27 qu'elle utilisait auparavant. Il convenait donc de renforcer la piste existante en ajoutant 10 à 15 cm d'enrobé. J'avais dans mon service un autre expatrié qui avait été recruté quelques mois auparavant dans une entreprise de travaux publics locale. Quelques jours après avoir lancé l'appel d'offres, avec bien sûr publication dans les journaux locaux, j'ai reçu une demande d'entretien de la part d'un des chefs d'entreprise du pays, concerné par cet appel d'offres. Il est venu pour m'entendre confirmer les règles du jeu d'attribution de ce marché à savoir : un appel d'offre clair et net, une réelle mise en concurrence, et pas de préférence locale. J'ai été intrigué par cette démarche. Mais quelques semaines plus tard j'ai appris par une autre entreprise que le deuxième expatrié de mon service s'était répandu en ville pour dire que bien sûre c'est son entreprise d'origine qui aurait ce marché. Pour cette raison et d'autres nous avons dû nous séparer de cette personnes.

_ Sénégal-1974-1975

Je n'ai pas eu au Sénégal de responsabilité opérationnelle me mettant en rapport

avec ce genre de problèmes.

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